Note de veille : Sanction du 3 juillet 2020
– Sanctions pécuniaires de, respectivement, 50 000 et 50 000 euros à l’encontre de la société et de son gérant, ainsi qu’une interdiction temporaire d’exercer l’activité de conseiller en investissements financiers pendant 5 ans à l’encontre de chacun de ces mis en cause.
– Publication de la présente décision sur le site Internet de l’Autorité́ des marchés financiers et fixe à 5 ans à compter de la date de la présente décision la durée de son maintien en ligne de manière non anonyme.
Griefs :
1) Manquement aux règles de bonne conduite des CIF en n’établissant pas de document complet de connaissance client, en proposant des recommandations d’investissement non adaptées à la situation d’un client et en omettant de remettre un document d’entrée en relation, une lettre de mission et un rapport écrit ;
2) Manquement à l’obligation de communiquer aux clients les modalités de rémunération de la société ;
3) Manquement à l’obligation de diffuser des informations exactes, claires et non trompeuses dans le cadre de leur activité de conseil en gestion de patrimoine ;
4) Encaissement de fonds autres que ceux destinés à rémunérer l’activité de la société ;
5) Manquement dans les limites d’exercice des fonctions de la société (limite des statuts de la société) ;
6) Manquement à l’obligation de diligence et de loyauté à laquelle la société était tenue à l’égard de la mission de contrôle en sa qualité de CIF.
L’ensemble des griefs retenus à l’encontre de la société sont imputables à son dirigent.
Contexte :
La notification des griefs a porté sur deux clients ainsi que sur les conseils délivrés par la société au sujet d’un fonds anglais relevant de la catégorie des Limited Liability Partnership et régi par la législation anglaise, pour laquelle la société est « General Partner ».
Grief 1 :
Document de connaissance client incomplet :
Le document de connaissance client établi par la société ne mentionnait ni la situation financière du client, ni ses objectifs d’investissement (seulement sa connaissance et son expérience des marchés).
Rappels règlementaires :
– COMOFI : Article L541-8 4° : Teneur des informations à récolter avant de formuler un conseil à un client ou prospect ;
– RGAMF : article 325-8 : Connaissance du client.
Recommandations d’investissement non adaptées à la situation d’un client :
La société a conseillé, et fait souscrire, des produits potentiellement complexes (EMTN) à un client au profil davantage « équilibré », qui présentait les caractéristiques suivantes :
– Une connaissance moyenne des produits complexes ;
– Un profil de risque et une orientation de gestion équilibré ;
– Un faible pourcentage de placement à long terme.
Rappels règlementaires :
– COMOFI : Article L541-8 4° : Fournir une recommandation adaptée à la situation du client ;
– RGAMF : article 325-8 : Connaissance du client.
Absence de remise préalable du document d’entrée en relation (DER), de la lettre de mission (LM) et du rapport écrit (déclaration d’adéquation) :
Client 1 :
– DER : La société a défendu l’idée qu’elle n’était pas dans l’obligation de remettre le DER à son client car l’entrée en relation avec ce dernier était antérieure à l’entrée en vigueur de la loi de sécurité́ financière du 1er août 2003 instaurant le régime des CIF.
Un DER aurait dû être signé lors de la première opération de CIF suivant l’instauration de cette loi, afin de formaliser l’application de cette obligation (malgré la connaissance préalable du client des informations sur la société).
– LM : Absence de formalisation et de remise au client du document
– Rapport écrit : Absence de formalisation et de remise au client du document.
Client 2 :
L’AMF a constaté des incohérences dans les dates de remise des documents au client.
Exemple :
– DER : remis le 20/06/2016 pour une entrée en relation le 15/04/2016 ;
Il a été démontré qu’aucun des trois documents réglementaires n’avaient été remis au client.
Rappels règlementaires :
– RGAMF : Article 325-5 : Remise d’un document lors de l’entrée en relation avec un « nouveau client » ;
– RGAMF : Article 325-6 : Remise d’une lettre de mission avant la rédaction d’un conseil ;
– RGAMF : Article 325-17 : Remise de la déclaration d’adéquation ;
– COMOFI : Article L541-8 9° : Remise de la déclaration d’adéquation.
Grief 2 :
La société a perçu des rémunérations provenant de producteurs sans avoir formalisé au préalable ces informations à ses clients.
La première rémunération d’un montant de 62 526 euros aurait été communiqué de façon informelle sans que le client puisse justifier d’avoir eu l’information en amont.
Concernant la deuxième rémunération, d’un montant de 34 875 euros, le client a été informé dans la lettre de mission conclue avec le producteur, qu’un pourcentage, en rétrocession, pourrait être touché par la société au titre de son investissement dans le produit.
Toutefois, l’information est jugée insuffisante car incomplète et inexacte (montant non précisé et méthode de calcul non présentée).
Rappels règlementaires :
– COMOFI – article L541-8-1 5° : Communication des informations aux clients ;
– RGAMF : Article 325-14 : Information sur les coûts et les frais.
Grief 3 :
La société a conseillé à des investisseurs un fonds anglais relevant de la catégorie des Limited Liability Partnership et régi par la législation anglaise, dans le cadre de « ses autres activités de conseil en gestion de patrimoine ».
Lors de la signature du « commercial agreement » les investisseurs n’étaient pas informés sur les risques de pertes potentielles en capital et en rendement, en cours de vie et à l’échéance.
Le produit commercialisé présentant des risques, la société n’a pas respecté l’obligation de communiquer une information claire, exacte et non trompeuse. Par ailleurs trois clients auditionnés ont déclaré que leur investissement dans ce fonds n’était aucunement risqué.
De plus, lors de la diffusion des relevés de positions, la société a adressé aux investisseurs des informations incohérentes, inexactes et imprécises sur le montant des intérêts versés qui ne correspondait pas aux taux mentionnés dans les « commercial agreement ».
Les graphiques desdits relevés ne mentionnaient pas le capital investi et ne reflétaient pas l’évolution de la participation des investisseurs tel que le calcul des taux de rendements annoncés dans leur « commercial agreement » permettait de la déterminer.
NB : pour la société, ce fonds anglais n’est en aucun cas sous la juridiction de l’AMF, et par conséquent ne relève pas de l’activité de conseil en gestion de patrimoine.
Cependant, l’AMF a reconnu cette activité comme étant du conseil à des investisseurs potentiels, à partir d’informations personnelles de ces derniers pouvant porter sur leur patrimoine et leurs attentes, pour les inciter à investir dans le fonds anglais.
Par conséquent l’AMF est légitime d’intervenir sur ce sujet dans la mesure ou la société réalise une « autre activité́ de conseil en gestion de patrimoine ».
Rappels règlementaires :
– RGAMF – article 325-12 : Information claire, exacte et non trompeuse ;
– Position – Recommandation AMF DOC 2011-24.
Grief 4 :
Dans le cadre de la commercialisation du fonds anglais relevant de la catégorie des Limited Liability Partnership et régi par la législation anglaise, la société a encaissé des fonds en provenance des clients pour un montant de 660 000€. La société a donc collecté des fonds de clients qui n’étaient pas destinés à rémunérer son activité de conseil en investissement financier.
Rappel règlementaire :
– COMOFI : article L541-6 : Un CIF ne peut recevoir de ceux-ci d’autres fonds que ceux destinés à rémunérer son activité.
Grief 5 :
En ayant encaissé sur son compte bancaire les fonds de certains clients ayant investi dans le fonds anglais pour un montant total de 660 000 euros, et ce sans jamais transférer ces fonds au fonds anglais, la société a manqué à son obligation d’exercer son activité, dans les limites autorisées par son statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s’imposent au mieux des intérêts de ses clients.
La société a fait valoir que la conservation de ces sommes était issue d’une compensation avec des sommes dues par le fonds anglais. Or la société, au travers de son statut, ne peut conserver des sommes provenant de ses clients et ne rémunérant pas son activité et doit par conséquent se conformer aux limites fixées par le statut CIF de la société.
Rappel règlementaire :
– COMOFI : article L541-8-1 2° ;
– COMOFI : article L541-6 : Un CIF ne peut recevoir de ceux-ci d’autres fonds que ceux destinés à rémunérer son activité.
Grief 6 :
Dans le cadre du contrôle diligenté par l’AMF, la société a remis aux contrôleurs, sans les informer, des documents règlementaires CIF et des factures antidatées. Lesdites factures ont été établies plus de 13 mois après la réalisation des opérations bancaires et antidatées.
Rappel règlementaire :
– RGAMF : article 143-3.